PENITENCE ET RECONCILIATION

De la pénitence à la réconciliation
Petite histoire de la rémission des péchés

S’il vous reste quelques notions de catéchisme, vous vous rappellerez sans doute que la confession est un des sept sacrements de l’Eglise catholique. Elle renvoie à la remise des péchés par un prêtre ; mais tous péchés, même pardonnés, entraînent un devoir de réparation, appelé pénitence.
Les sacrements n’ont rien de statique et ont constamment évolué au cours de l’Histoire. Le “sacrement de réconciliation” ne fait pas exception à la règle et son interprétation a été profondément transformée en deux mille ans de christianisme.
L’étymologie nous apprend que le latin confessio signifie “aveu”, et correspond en grec au mot “martyrion” qui se traduit lui-même par témoignage, dans le sens de la profession de foi. La confession témoigne donc d’une démarche à la fois personnelle et communautaire de pardon. Religion de la faute, mais aussi et surtout religion de la réconciliation, la foi chrétienne n’a paradoxalement élaboré une théologie du repentir que très lentement.
On ne sait pas grand chose de la pratique pénitentielle des premiers siècles. Il faut attendre le IIIe siècle pour que soit mentionné ce sacrement : il s’agit alors d’une “pénitence publique” dont nous trouvons des reliquats dans l’exercice monastique du chapitre des coulpes. Le croyant se réconcilie à la fois avec Dieu et avec sa communauté. Des différences fondamentales avec notre pratique actuelle existent : ce sacrement ne pouvait en effet être donné qu’à une seule et unique occasion. Les pécheurs, après l’aveu public devant l’évêque, sont placés dans le groupe des pénitents pour plusieurs mois, voire plusieurs années. Exclus de l’Eucharistie, ils doivent pratiquer des jeûnes rigoureux, quitter éventuellement leur emploi et leur conjoint, voire partir au désert (on trouve là l’origine du monachisme) pour pouvoir réintégrer la communauté. Ils sont solennellement réadmis au sein de l’Ecclésia lors de la cérémonie du Jeudi Saint. Cette rigueur conduisait beaucoup de fidèles à repousser la pénitence (comme on l’appelle alors) jusqu’à l’heure de leur mort.
Le Haut Moyen Age ne changera pas grand chose au vécu de ce sacrement. L’Ancien Testament y est alors particulièrement lu, et l’impact du Lévitique prépondérant. Le sacrement n’est toujours pas réitérable, le fidèle doit ainsi vivre une existence dévote et l’état monastique va être considéré comme le meilleur moyen d’assurer son salut. A partir du VIIe siècle, les moines irlandais vont encourager une nouvelle forme de pénitence : non seulement elle est “tarifiée”, mais surtout elle est renouvelable selon la gravité de la faute. Autre évolution : l’aveu se fait maintenant en secret à un prêtre, qui utilise pour se faire un pénitentiel. Ce mode de confession’ secrète et privée se généralise sur le continent grâce aux missions irlandaises.
Le XIIe siècle voit un bouleversement capital dans l’histoire de spiritualité : la notion de Rédemption évolue vers un état de Salut personnel, où Jugement dernier perd son caractère définitif avec l’apparition notamment du Purgatoire. Le sacrement de pénitence se développe en conséquence : l’aveu est reconnu comme un acte d’humilité permettant d’obtenir la miséricorde de Dieu, et la rémission des pêchés ne se passe plus après l’expiation de la pénitence, mais dès l’absolution. Le vocabulaire change en conséquence, on parle maintenant de “confession “. Le Concile de Latran IV (1215) la rend obligatoire au moins une fois l’an.
A cette époque, l’état pénitentiel va même devenir un genre de vie religieuse librement consenti par ceux qui aspirent à la perfection, sans nécessairement devoir sortir du monde : des hommes et des femmes s’imposent une vie de renoncements et de mortifications pour mieux suivre le Christ. A noter que, pour la première fois de l’histoire, les femmes sont associées à ce mouvement et forment des groupes piétistes où la méditation sur les souffrances du Christ tient un rôle prépondérant. Les flagellants sont un autre exemple de ces confréries.
La confession va se développer parallèlement à l’Eucharistie, avec qui elle très liée dans la mesure où l’on n’envisage pas de communier sans s’être au préalable purifié de ses péchés. Mais il n’empêche que la majorité des fidèles ne se confessent pas très souvent et reste surtout au stade de la confession in articulo mortis à l’approche du trépas. Il n’existe pas encore de confessionnal, le sacrement prend place généralement derrière l’autel. S’il est, en principe, secret, il continue à se passer en public. Le prêtre a le pouvoir d’absoudre, mais certains cas (inceste, sortilèges) sont réservés au Pape et à la Pénitencerie apostolique. Les pénitences publiques, souvent spectaculaires sont également maintenues : pèlerinage, port de vêtement, croisades, etc. Les fautes scandaleuses appellent en effet une réparation proportionnelle.
Néanmoins, on s’achemine vers une confession véritablement de dévotion : un des exemples les plus spectaculaire est celui du duc de Bretagne, Charles Bois (mort e 1364), qui se confesse tous les soirs, jusqu’à trois fois par jour pour ne pas se coucher en état de péché mortel. Au XVIe siècle, la confession fréquente va être proposée aux laïcs, notamment par l’entremise de la Dévotion moderne, comme un moyen de progression spirituelle.
Parallèlement à la confession se développe la notion d’indulgence : la faute grave est finalement expiée après la mort au Purgatoire, sas d’entrée purificateur. Mais grâce aux mérites du Christ et à la communion des Saints, l’Eglise dispose d’un moyen pour adoucir les peines. Le croyant peut ainsi obtenir des “actions” valable sur son futur eschatologique, au travers d’œuvres pieuses. Le caractère angoissant de la Rédemption s’estompe par ces moyens. Mais nous connaissons les abus financiers qu’ont entraîné au XVIIe siècle la Réforme. Si le Concile de Trente condamne leur trafic, il maintient la validité de l’indulgence.
C’est à la Contre-réforme qu’apparaît dans nos églises le confessionnal, meuble deux ou trois portes placé dans les bas-côtés ou dans les chapelles latérales. Le Concile de Trente montre en effet une attention renouvelée à la pratique du sacrement de pénitence, qu’il lie à l’introduction de la direction de conscience. Ce meuble assure l’anonymat entre le confesseur et son pénitent, et permet la discrétion de l’échange. C’est donc tout naturellement qu’il va bénéficier d’une décoration soignée aux XVIle et XVIIIe siècles.
La confession va dès lors être considérée comme le sacrement le plus important la foi catholique, car il permet un dialogue privilégié avec le prêtre. Les mauvaises langues parleront de surveillance cléricale et de dictature du confessionnal… Cette pratique intimiste va néanmoins exercer une grande fascination sur l’imaginaire collectif : on raconte que lors de son séjour à Bruxelles, la grande écrivain anglais Charlotte Brontëe était fascinée par ces meubles démesurés, elle qui n’avait jamais rien vu de tel dans sont Yorkshire natal. Un jour, elle entre dans la cathédrale Saint Michel de Bruxelles et se glisse dans un confessionnal. Le loquet s’ouvre et le prête commence les prières inaugurales du sacrement. Elle, de foi méthodiste, ne peut bien sûr y répondre et, prise de panique, elle s’enfuit en courant…
Aujourd’hui, le meuble tend à disparaître et on ne néglige pas une liturgie pénitentielle communautaire. Le vocabulaire a encore évolué puisqu’on parle maintenant de sacrement de réconciliation.
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